Commission éthique des soins et gérontologie
L’Espace Ethique Régional de l’APHM se définit avant tout comme un lieu de rencontres au service des soignants, médecins, chercheurs et tous les représentants de la société civile qui se sentent concernés par les problèmes d’éthique médicale. Une des vocations des commissions de l’Espace Ethique Méditerranéen est de permettre le débat, de confronter les opinions, de susciter la réflexion, d’échanger les expériences et de favoriser les rencontres entre professionnels d’horizons différents préoccupés par les mêmes questions. La Commission « éthique des soins et gérontologie » est composée de professionnels de la gériatrie et de la gérontologie, acteurs de terrain auprès de la personne âgée à domicile ou en institution. A toutes les étapes du soigner et du prendre soin, quelque en soit le lieu devraient se poser des questions éthiques.
La Commission « éthique des soins et gérontologie », à partir de l’expérience vécue de chacun, s’interroge sur les écarts existants entre les valeurs affirmées en gérontologie et les pratiques constatées en institution ou à domicile. La Commission « éthique des soins et gérontologie » souhaite mettre à la disposition des professionnels son expertise : en aidant à la mise en place en institution (maisons de retraite, associations de maintien à domicile, autres structures) des lieux de réflexion éthique ouvert à l’ensemble des personnels. Cette commission souhaite favoriser la démarche éthique autour de dilemmes vécus dans les structures à partir d’étude de cas. Ses interventions sont gratuites et ne peuvent se substituer à une formation traditionnelle. Elles ont pour but de sensibiliser les publics, de rendre possible la prise de conscience de l’éthique appliquée au quotidien du prendre soin.
Conduite à tenir
S’enquérir du projet de vie de la personne âgée, l’intégrer au projet de soin dans un projet d’accompagnement personnalisé qui devient un élément contractuel pour tous les intervenants y compris les proches aidants. S’obliger à prendre en compte les capacités résiduelles de la personne. Se rappeler que l’objectif premier est la préservation du bien-être de la personne. Accepter la limitation de l’autonomie si elle est pensée dans l’intérêt de la personne. A trop stimuler, on devient maltraitant. Favoriser la préservation du lien social de la personne âgée à partir du principe que « nul n’est une île ». Adapter sa communication orale et gestuelle aux capacités de la personne. Partager avec la personne âgée, sa famille et ses aidants, et ses collègues de travail sa propre vision de l’accompagnement de l’autonomie. Rejeter toute forme de dévalorisation ou de culpabilisation en cas d’échec de la sollicitation des capacités de la personne.
Une personne heureuse de sa prise en charge rend heureux les professionnels qui l’entourent. Le professionnel a intégré l’ensemble de ces réflexions. Il satisfait les exigences générales appliquées au cas particulier d’un individu âgé pris dans sa globalité. Il intègre les éléments les plus minimes de ses capacités résiduelles.
AUTONOME ET POURTANT VULNERABLE – CHERCHEZ BIEN - La diminution des capacités physiques et cognitives n’enlève à personne la qualité d’être humain -
Histoire vécue à domicile.
Mme G. était cadre commerciale, elle avait un compagnon, un logement et un chien. Un AVC sévère la prive tout à coup de tout. Son compagnon vient la voir au centre de rééducation de moins en moins souvent puis plus du tout. Après une mise sous tutelle (à la demande de ses parents) son logement est vendu. Son chien est chez ses parents. Lorsqu’elle sort enfin du centre de rééducation, elle n’est plus du tout autonome sur un plan moteur mais en capacité d’exprimer ses besoins, ses désirs, ses projets. Elle a besoin d’aide pour tous les actes essentiels de la vie quotidienne. Elle est désormais hébergée chez ses parents très âgés dans un logement totalement inadapté. L’auxiliaire de vie l’accompagne dans cette épreuve (sorties avec le chien), visites médicales. Madame G. est dans le refus de soin en particulier la rééducation kinésithérapeutique.
Le seul souhait qu’elle exprime est de retrouver un logement où elle puisse se reconstruire. L’auxiliaire de vie l’aide et l’accompagne dans ses recherches. Elles trouvent un logement adapté, Madame G. reprend espoir et ne refuse plus les séances de Kiné. Son père et désormais tuteur lui interdit de partir car, dit-il, elle se mettrait en danger. Madame G. sombre dans l’alcoolisme avec la complicité de son père.
Histoire vécue en institution.
Monsieur B. a 93 ans veuf depuis 10 ans il vit seul dans la maison qu’il occupait avec son épouse dans le centre d’une petite ville. Ses deux fils ne sont pas très éloignés, il bénéficie d’un appui familial solide mais reste parfaitement indépendant. Il a une auxiliaire de vie 4 jours par semaine, il déteste faire le ménage et la cuisine, il a de nombreux amis plus jeunes que lui. Le 8 janvier en allant acheter son journal il glisse et se casse la cheville (malléole interne), accident stupide mais sans gravité qui l’amène dans l’hôpital local. Compte tenu du type de fracture et du bon état osseux du patient on propose une immobilisation de quelques semaines. Avant la sortie de cette courte hospitalisation parce qu’il tousse, on demande une radio du thorax qui montre une tumeur du poumon droit avec extension médiastinale. Le pneumologue vient voir Monsieur B. dans sa chambre, elle est surprise par la tenue de ce beau vieillard grand, droit qui parle avec assurance. Il la rassure quand elle lui demande s’il a de la famille, il est en capacité de tout entendre et n’a pas besoin de ses enfants, il lui demande la vérité. Elle la lui donne : tumeur du poumon évoluée, espérance de vie limitée, peu de possibilités thérapeutiques compte tenu de son âge. Il la remercie, ne parle de cette entrevue à personne, demande à ses fils de faire un séjour dans une maison de retraite plutôt que de rentrer directement chez lui en attendant que sa fracture soit consolidée. Il refuse toute alimentation et décède 1 mois plus tard. Monsieur B a vu mourir, il y a de très nombreuses années son père son frère et un cousin d’un cancer du poumon.
– LES PRINCIPES MIS EN JEU -
- Respect de l’autonomie
- Respect des choix de vie pouvant évoluer avec le temps
- Préservation des capacités résiduelles
- Acceptation de la fragilité et des limites de l’autonomie
- Valorisation de la vulnérabilité
- Logique d’une prise en charge globale.
Nier la fragilité, refuser de la voir comme une limite à respecter, c’est une maltraitance.
La préservation de l’autonomie, entendue comme une pensée unique, ne doit pas être le seul moteur de l’accompagnement de la personne âgée.
Il n’y a de prendre soin que dans la collégialité. La collégialité est indispensable pour une prise de décision cohérente